Afrique
De nombreux pays africains ont vu leurs trésor royaux, œuvres d’art et autres objets culturels pillés surtout pendant l‘époque coloniale.
Et ces biens se retrouvent souvent sur le marché de l’art ou dans des musées un peu partout dans le monde comme le British Museum à Londres ou encore le musée du quai Branly à Paris.
Pourtant il est est important que ces œuvres reviennent sur le continent, comme l’explique Marie-Cécile Zinsou, qui est la présidente de la Fondation Zinsou au Bénin, dédiée à la culture et à l’art africain.
Emmanuel Macron a récemment déclaré vouloir un retour du patrimoine africain en Afrique. Est-ce que c’est une déclaration qui vous redonne espoir ?
Je n’ai jamais perdu espoir sur la question de la restitution. Parce que la restitution que le Bénin a demandé en juillet 2016 (et que d’autres états africains demanderont probablement assez rapidement) c’est une question de justice par rapport à l’histoire.
Ce débat, c’est une vraie question sur l’histoire coloniale de la France, le pillage des objets, etc. De toute façon, quelque chose qui est injuste ne reste pas injuste. Je suis assez confiante sur le processus de restitution.
Avec la déclaration d’Emmanuel Macron, on est dans la réouverture du dialogue et surtout dans le retour du respect dans l’histoire.
Qu’est-ce que le retour de ces objets va changer concrètement ?
Ce patrimoine, c’est notre histoire. L’Afrique a été très dépossédée de son patrimoine. La France est venue coloniser, pour pouvoir donner ce qu’elle pensait être les ‘lumières de la civilisation‘ à l’Afrique. Et en même temps elle s’est permise de prendre les objets qui faisaient la fierté et la grandeur de notre histoire.
Il faut nous les rendre parce qu’il faut nous rendre notre histoire. Ce ne sont pas juste de vieux objets, ce sont des œuvres qui témoignent de nos civilisations. Qui témoignent de ce qu’a été notre passé, cette gloire du passé qui a été effacée par la colonisation.
Le retour de ce patrimoine, ce serait le retour du respect et de l’accès à l’histoire. Parce qu’ainsi, les jeunes générations auront accès à ces œuvres qui diront quelque chose de leur passé. Pour comprendre qui on est et d’où l’on vient, on a besoin de ces témoignages.
C’est pour cela que les musées fleurissent partout dans le monde. Personne ne peut contester l’utilité d’un musée. Il faut que nous puissions proposer ce genre de choses à nos générations.
Certains estiment que ces objets devraient rester en France parce que dans leur pays d’origine il n’y a pas de lieux adéquats pour les conserver. Qu’en pensez-vous ?
Les gens qui pensent que nous ne sommes pas assez grands pour entretenir notre patrimoine, techniquement cela ne les regarde pas !
On ne va pas nier le fait que la plupart des états africains ne font pas d’effort pour préserver et montrer leur patrimoine. Mais est ce qu’on accepte que ce patrimoine spolié soit montré dans les musées français ou est-ce qu’on considère que ce n’est pas acceptable que ces objets restent en France ?
Il y a beaucoup de gens qui ont une position contraire à celle d’Emmanuel Macron en disant que l’on ne sera pas capable de conserver nos objets. Mais nous sommes des pays souverains et indépendants. On conserve notre patrimoine comme on le souhaite et si on le souhaite !
On ne peut pas nous dire ‘On ne vous rend pas ces œuvres parce que vous avez été suffisamment intelligents et grandioses pour les créer, mais vous ne savez certainement pas les conserver’.
La seule raison pour laquelle la France a pu trouver dans sa conquête coloniale des œuvres du 16è siècle au Dahomey, c’est parce que nous avons pu les conserver durant tout ce temps. Donc cela m‘étonnerait que l’on ne puisse pas faire aujourd’hui ce qu’on savait faire au 19è siècle.
Le Bénin a fait une demande de restitution à la France en 2016. Pourquoi plus de pays n’ont pas suivi son exemple ?
C’est très variable. Il y a des démarches de restitution, comme celle du Nigeria vers l’Angleterre. Il y a aussi des démarches de coopération (par exemple le Quai Branly qui a déjà exposé au Bénin à la Fondation Zinsou, mais aussi au musée national du Mali). Donc il y a diverses procédures.
Il y a des pays ou les dirigeants ne se posent pas la question de la restitution et ne s’intéressent pas au patrimoine.
On peut citer énormément de pays ou il n’y pas de musées dignes de ce nom : les collections nationales n’existent plus ou sont en très mauvais état. On ne pas nier que les Etats africains ne font pas d’efforts sur la question du patrimoine aujourd’hui.
Est-ce une question d’efforts, ou plutôt se disent-ils que la démarche entamée par le Bénin n’a pas de chance d’aboutir ?
C’est difficile à dire. Objectivement, il y a quand même un vrai problème de musées. Est-ce que vous pouvez me citer les noms des grands musées d’art moderne et contemporain du continent ou vous pouvez voir des collections qui rivalisent avec celles du musée du Quai Branly ?
Il n’y a pas énormément de pays qui ont cette dynamique-là. Objectivement il y a quand même un vrai mépris des classes dirigeantes dans les différents pays d’Afrique pour la question de la culture, de sa valorisation et du patrimoine en général.
C’est une question qu’on doit se poser en tant qu’Africains sur le continent. Le fait que nos Etats ne veuillent pas considérer notre histoire et notre culture, ne souhaitent pas la mettre en valeur, et n’accompagnent pas les artistes contemporains, est un réel problème.
Que vous parliez d‘œuvres classiques ou de la création contemporaine, quels artistes sont soutenus par leurs Etats ? Donc la question de la restitution, c’est un peu le cadet de leurs soucis.
Dans quels pays avez-vous des bibliothèques disponibles partout et gratuites pour tous ? On a un réel problème de culture en Afrique que l’on doit régler entre nous assez rapidement. Et ça je pense que c’est la jeune génération qui peut faire ce plaidoyer pour la culture et interpeller ses gouvernements sur ce sujet.
Combien de temps peut-il se passer avant que cette déclaration ne se transforme en action ?
Le président Macron a dit qu’il souhaitait des restitutions temporaires ou définitives, sachant qu’en réalité aujourd’hui la loi française ne permet pas de restitution, c’est impossible.
J’imagine que par restitution, on entend prêt ou prêt à long terme. Le patrimoine français étant inaliénable, il va falloir légiférer pour pouvoir transformer la loi. Il faut tenir compte du fait que ce processus sera très long.
Ensuite, il faut voir quelles actions vont être mises en place. Le président du musée du Quai Branly (qui abrite la majorité des œuvres réclamées par le Bénin, NDLR) a parlé récemment de la réflexion à une structure qui pourrait ressembler au Louvre Abu Dhabi, mais qui sera en Afrique.
Ce n’est pas la même chose si c’est la France qui décide de créer un musée. Créer un musée en Afrique, c’est formidable, mais si vous créez un musée au Bénin quelle est la possibilité pour les Sénégalais, les Mauritaniens ou les Éthiopiens d’y aller ?
Pour l’instant, on ne sait pas encore ce que recouvre la déclaration d’Emmanuel Macron.
Le Nigeria a aussi fait une demande de restitution à l’Angleterre, la démarche n’a pas abouti.
Mais il y a une réflexion qui s’ouvre sur le sujet. De ce qu’on lit dans la presse, le British Museum aurait décidé d’engager des discussions sur la restitution des bronzes du Nigeria (du royaume du Bénin).
Je ne sais pas où en est la démarche, mais je pense que c’est le tout début d’une idée. L’Allemagne aussi y réfléchit par rapport aux œuvres qu’elle possède du Cameroun ou de l’Egypte. Et la France aussi y réfléchit.
Aujourd’hui on ne peut plus être un grand Etat qui ne réfléchit pas à ce qui s’est passé au cours des 150 dernières années.
Sur quoi se basent les pays pour refuser des restitutions ?
Chaque cas est spécifique, une restitution ne ressemble jamais à une autre. Chaque histoire est spéciale. Dans certains cas les gens disent qu’ils ont acheté des œuvres, donc on ne peut pas restituer. Dans certains cas, il s’agit de spoliation de guerre. Il y a aussi la spoliation des œuvres d’art appartenant à des Juifs par les Nazis.
Chaque restitution est différente, c’est ce qui rend le sujet complexe. On ne pourra se baser sur aucune histoire précédente pour arriver à dériver notre concept de restitution pour l’Afrique de l’Ouest par exemple.
Ce n’est pas parce que les frises du Parthénon n’ont pas été restituées à la Grèce, ou que les crânes maoris et les manuscrits coréens ont été restitués que cela signifie que le patrimoine du Dahomey pourra revenir.
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